Pas de recul dans la vente d’alcool aux jeunes

Une étude pointe du doigt le stress dans le commerce et la restauration

05.09.2019

Les achats-tests réalisés en Suisse montrent que des boissons alcooliques sont remises à des mineurs dans près de 30 % des cas malgré l’interdiction en vigueur. Ce chiffre stagne depuis 2009. Une étude publiée récemment par Addiction Suisse révèle que les ventes illégales se produisent surtout lorsque le personnel de vente est sous pression ou lorsque les commerces et restaurants craignent que la clientèle ne se tourne vers la concurrence.

En 2016, 314 jeunes de 10 à 17 ans ont été hospitalisés suite à une intoxication alcoolique. Par ailleurs, selon la dernière enquête auprès des écolières et écoliers (HBSC) menée en 2018, 25 % des élèves de 15 ans s’étaient enivrés au moins une fois au cours du mois précédent. Plus de 20 % avaient acheté l’alcool consommé au moins une fois eux-mêmes, alors que la loi interdit la remise d’alcool aux moins de 16 ans et qu’ensuite, seuls la bière et le vin sont autorisés avant 18 ans.

 

Personnel de vente et de service sous pression

Dans le cadre d’une étude qualitative mandatée par l’Administration fédérale des douanes, Addiction Suisse a réalisé 30 entretiens approfondis avec des employé-e-s des secteurs de la vente et du service dans les trois régions linguistiques du pays.
En cas de forte affluence, il arrive souvent que les clients s’impatientent ; parfois, le personnel est insulté, dans des cas rares même agressé physiquement. Dans les points de vente étudiés, il est apparu que seul le personnel du commerce de détail était systématiquement formé à la vente d’alcool aux jeunes et à la façon de gérer la question.

  • Une formation systématique ou au moins une instruction standardisée devrait être assurée dans tous les points de vente pour que le personnel connaisse les dispositions légales et sache réagir correctement dans les situations délicates. Dans ce domaine, le soutien des supérieurs est indispensable.

Il est souvent difficile d’estimer l’âge des jeunes client-e-s en se fondant sur leur apparence, de sorte que le personnel hésite à demander une pièce d’identité.

  • Sous l’angle de la prévention, les contrôles seraient plus faciles si, jusqu’à un certain âge encore à définir, les jeunes devaient présenter automatiquement leur carte d’identité pour acheter de l’alcool.

Les employé-e-s seraient favorables à une unification de la limite d’âge à 18 ans pour l’achat de toute boisson alcoolique (comme c’est le cas au Tessin et dans certains commerces de détail). La population helvétique partage cet avis: en 2014, une enquête représentative a montré que trois personnes sur quatre étaient pour un relèvement de la limite d’âge à 18 ans.
Lors de fêtes et manifestations, la situation est particulièrement difficile pour le personnel, qui est souvent débordé.

  • La remise de bracelets de différentes couleurs facilite les contrôles. Ce système peut également être une solution dans les bars et les pubs lorsqu’il n’y a pas de filtrage à l’entrée.

 

Restaurants et petits points de vente: même traitement pour tous

Dans la restauration, mais aussi dans les petits points de vente, les établissements ont parfois peur de perdre de l’argent s’ils effectuent des contrôles trop stricts, les clients risquant de se tourner vers des concurrents moins regardants.

  • Les achats-tests devraient être élargis et réalisés régulièrement. Sous l’angle de la prévention, ils ont un effet dissuasif. En même temps, tout le monde est ainsi traité de la même manière. Addiction Suisse est de ce fait aussi favorable à l’introduction d’un prix minimal pour les boissons alcooliques.

 

Remise par des tiers

Quelques-unes des personnes interrogées soulignent toutefois qu’elles sont impuissantes lorsque des personnes qui ont l’âge légal pour acheter de l’alcool s’en procurent pour le remettre à des mineurs à l’extérieur de l’établissement.

  • Une campagne devrait être orchestrée afin de sensibiliser la population à la problématique de la remise d’alcool par des tiers.

«Bizarrement, on ne m’a rien expliqué. Je crois que la bière peut être vendue à partir de 16 ans et tout le reste à partir de 18 ans. Mais peut-être que je me trompe. Qu’en est-il du vin ? C’est à partir de 18 ans, non?»

«Cela se passe relativement bien, à part avec une minorité. Je me suis fait agresser aussi physiquement par des jeunes avec lesquels j’ai respecté la loi. Parce que je suis peut-être un des seuls dans le coin à respecter la loi. Je me suis fait attaquer en représailles surtout.»

«Il y a des gens qui font des remarques du style «Non mais, est-ce que j’ai l’air d’être aussi jeune que ça ?» ou «Je te la montrerai, ça fait longtemps que j’ai l’âge.»

«Cela peut être problématique. Une dizaine de jours par année, il y a tellement à faire que je ne peux pas jurer qu’absolument tout le monde est contrôlé. Ce n’est pas non plus réalisable. Il n’y en a sûrement pas beaucoup qui nous échappent, mais un ou deux réussissent certainement à passer à travers les mailles du filet.»

«C’est comme dans le tram, on prend plus facilement son billet quand on sait qu’il y aura un contrôle.»